Le figuier pousse gentiment dans notre jardin et porte la promesse d’une belle récolte. Il nous parle de toi. Puisse la peine de ton départ précipité laisser peu à peu la place à l’espoir de voir grandir tous ces petits jardins que tu as contribué à semer de par le monde. Annick et Jean Pierre
Jean Yves,
Tu continues à marcher à nos côtés.
Autrement , bien sûr.
Les nouveaux chantiers nous les inventerons comme tu nous les proposais hier
Tu nous as labouré les champs des possibles
Avec toi, nous avons osé prendre cette terre à pleine main
Nous avons découvert que nous pouvions prendre notre responsabilité
En façonnant cette terre, nous nous sommes construits, nous sommes devenus libres
Et tout ceci grâce au pédagogue
Grâce au pédagogue qui n’avait pas l’ambition du pouvoir
Le seul pouvoir que tu as exercé ce fût de nous donner confiance dans nos projets
Nous refusons le silence et la fatalité, tout est possible
Nous continuerons à cheminer ensemble
Si les pas du pédagogue sont devenus plus légers
Son inspiration , son souffle et son accent sont plus puissants encore
Car ils sont en nous
Ils accompagnent notre geste pour cultiver cette terre, pour l’humaniser
à tout de suite … Jean Yves
François & Anne
Chers Elisabeth, Barnabé, Matthias, Mélanie …
Moi aussi, pour reprendre le mot d’accueil d’Alain, j’ai été « heureux » de partager les moments forts de la célébration de l’au-revoir à Jean-Yves.
C’est pourquoi, s’est imposée l’envie de m’exprimer à mon tour, après avoir vécu la dimension communautaire du rassemblement qu’a suscité son départ.
Pour ce qui me concerne, bien que ne l’ayant pas connu intimement, je n’ai rien appris, à travers les hommages successifs qui lui ont été rendus, que je ne pressentais déjà de la richesse d’une personnalité, que l’on devinait habitée par une tranquille force intérieure.
Pour moi, en effet, Jean-Yves, homme de la terre venu de ses montagnes lointaines, avait fini par épouser l’attitude du paysan taiseux mayennais, qui répugne à parler pour ne rien dire. Et cette réserve était impressionnante, non parce qu’elle était le signe d’une volonté de se retrancher mais parce qu’elle témoignait d’une grande disponibilité à l’accueil de la pensée d’autrui.
Comme d’autres, Jean-Yves est parti en nous laissant le soin de trouver les mots pour traduire ce que sa grande pudeur dissimulait : passion pour la vie, respect et tolérance à l’égard des autres mais aussi affirmation de choix exigeants et inspirateurs d’engagements raisonnés…
Nous avons tous ressenti le besoin, autour de lui, de nous glisser, chacun à notre niveau, dans le long cortège de ceux qui se sont succédé pour témoigner, dans une sorte de liturgie de la parole qui valait bien les lectures rituelles de cérémonies plus orthodoxes.
Certes, la révolte, la peine et le chagrin étaient présents sur tous les visages et dans le désarroi de ceux qui ont parlé du grand vide causé par sa disparition, mais l’assistance était soudée par une « foi » profonde, qui n’avait rien à voir avec une simple adhésion à des dogmes ou à des croyances.
Chacun a pu y trouver sa part personnelle, y compris dans la discrète conclusion spirituelle suggérée par Alain, pasteur habituel des brebis éloignées des institutions de l’Eglise officielle mais aussi « passeur » efficace, capable de nous guider sur les chemins mystérieux et douloureux de l’au-delà…
Oui, en effet, on ne pouvait saluer une dernière fois un compagnon de cette envergure, en se contentant de quelques coups de goupillon lancés en l’air !…
Merci, tout particulièrement, d’avoir redonné du sens à ce rite de l’accompagnement collectif vers le cimetière, bien souvent réduit à un rassemblement intimiste – quasi clandestin – dans les quartiers de nos villes modernes.
Les conversations naturelles qui parcouraient cette procession insolite étaient bien loin de la tristesse compassée de certains défilés. N’était-ce pas le plus bel hommage que l’on pouvait rendre à quelqu’un qui aimait la vie sous toutes ses formes ? Nous étions bien dans une relation de proximité avec cette culture sud-américaine, que Jean-Yves avait pu approcher, selon laquelle la mort fait partie intégrante de la vie.
Ce fut, pour tout dire, une cérémonie jusqu’à la fin pleine d’ « espérance », dans tous les sens (laïc et religieux) du terme.
Enfin, puisqu’il y avait là une majorité de militants ayant partagé de près ou de loin les engagements de Jean-Yves, j’ai ressenti personnellement, dans cette atmosphère de convivialité inattendue, la marque d’une intense fraternité qui réunissait des gens de divers horizons, au moment où l’on ramenait dans la terre fraîchement creusée une semence qui avait déjà tant fructifié …
Les motivations de ceux qui se lancent dans l’action publique, on le sait, continuent de susciter interrogations et crispations de toutes sortes ; il est de bon ton d’en évacuer toute dimension affective ou considération liée à des émotions individuelles.
Et pourtant, quelle meilleure représentation pouvait-on donner d’une « famille » politique que le spectacle de cette assemblée d’hommes et de femmes, conviés à se ressourcer un moment, au pied d’un phare embrumé, avant de repartir vers les chantiers de l’action et de la réflexion collectives ?
Et pour terminer dans le même registre symbolique, je m’attarderai sur un détail :
ayant aperçu dans le fourgon mortuaire une gerbe de fleurs portant la mention : « De la part des anciens camarades du PSU » , j’ai fait part à plusieurs de mon étonnement devant cette mystérieuse initiative, avant d’en saisir toute la portée.
Qu’un parti politique, considéré comme le « laboratoire » de la Gauche post-soixante-huitarde et disparu depuis 30 ans réapparaisse au moment où l’on portait en terre l’un de ses anciens militants, aux côtés de qui nous étions plusieurs à avoir fourbi nos premières armes, quel sacré clin d’œil !!
M’excusant par avance de ce long message qui pourra vous apparaître bien décalé par rapport à la réalité de votre souffrance personnelle,
je vous embrasse affectueusement et avec reconnaissance.
7 Mai 2013
Michel
C’est avec tristesse que j’apprend le décès de Jean-Yves, qui fut celui qui me fit découvrir la vrai vie rurale pendant les quelques mois de stage que j’ai éffectué au GAEC de la Mancellière. Repose en Paix Camarade.